Enjeux et perspectives de la réforme de la PSC #2 : Fonction publique hospitalière

Pour cette 2ème publication, après notre analyse des enjeux et scénarios envisageables pour la Fonction publique d’Etat, nous vous proposons un éclairage relatif à la Fonction publique hospitalière (FPH).

Notons en première approche, et cela est surprenant, qu’hormis l’article 44 de la Loi n°86-33 du 9 janvier 1986, qui prévoit notamment que les fonctionnaires en activité bénéficient de la gratuité des soins dispensés dans l’établissement où ils exercent, aucune base légale n’encadre aujourd’hui la protection sociale complémentaire santé et prévoyance des agents de la FPH.

Soulignons ensuite que le paysage concurrentiel est atomisé, le marché étant réparti entre plusieurs acteurs de l’assurance santé et prévoyance individuelles, avec une pénétration significative d’acteurs historiques comme la MNH (plus de 500 000 adhérents sur 1,8 M d’actifs et de retraités) ou encore AESIO Mutuelle (au travers de l’ex ADREA Mutuelle).

La réforme s’annonce pour ce versant comme un véritable « game changer », là où la rupture devrait être moins sensible sur les deux autres versants. Explications.

Aujourd’hui, les agents de la Fonction Publique Hospitalière (infirmiers, aides-soignants, personnel technique et administratif, …) et les praticiens hospitaliers ont le choix de souscrire une protection sociale complémentaire auprès des acteurs de leur choix, la cotisation étant entièrement à leur charge. Les agents bénéficient par ailleurs de prestations de la part du Comité de gestion des œuvres sociale (CGOS), un organisme d’action sociale auquel les établissements hospitaliers ont obligation d’adhérer (hors AP-HP[1]). Ces prestations concernent notamment le complément de traitement, en relai de l’obligation statutaire de maintien de tout ou partie du traitement par les employeurs hospitaliers pour chaque typologie de congé des agents titulaires et contractuels (congé maladie ordinaire – CMO, congé de longue maladie – CLM, congé longue durée – CLD, ou encore congé de grave maladie – CGM).

Au plus tard au 1er janvier 2026, l’ordonnance prévoit une obligation de participation de l’employeur hospitalier à hauteur de 50% minimum au financement de la cotisation santé, sur la base d’un panier de soins qui sera précisé par décret. Le financement de l’employeur intervient pour des contrats solidaires et responsables, sélectionnés suite à une procédure de mise en concurrence, et garantissant la mise en œuvre des dispositifs de solidarité intergénérationnelle et familiale.

En conséquence, en 2025 au plus tard (pour une échéance au 1er janvier 2026), les quelques 2 300 employeurs hospitaliers (près de 4 500 si l’on considère les deux catégories d’agents employés – les agents affiliés à la CNRACL d’une part et à l’IRCANTEC d’autre part) devront conduire des appels d’offres pour sélectionner le ou les assureurs pour les garanties de frais de santé.

Les 800 établissements publics de santé, qui regroupent une très large majorité des agents (plus de 90%), sont regroupés en 136 Groupements Hospitaliers de Territoire (GHT), qui auront chacun en charge la conduite d’un processus administratif mutualisé pour le compte de l’ensemble des établissements membres du GHT. Les requis des cahiers des charges devront faire l’objet d’une négociation entre les organisations syndicales et les DRH des établissements employeurs. L’ordonnance du 17 février 2021 prévoit d’ailleurs que ces négociations puissent donner lieu à accord majoritaire et mise en place d’un contrat collectif à adhésion obligatoire.

Le sort de la prévoyance est quant à lui plus incertain. L’ordonnance ne prévoit pas d’obligation de participation financière de l’employeur pour ce risque. Par ailleurs, le CGOS, qui prend aujourd’hui en charge, nous l’avons vu, une part significative de l’indemnité arrêt de travail des agents 5 mois par an[2], pourrait perdre de ses prérogatives si les organisations syndicales mettaient en place un accord prévoyant la mise en place de contrats collectifs en prévoyance. Or les organisations syndicales majoritaires dans la FPH (CGT santé et FO santé) sont justement celles qui sont le plus fortement représentées dans la gouvernance du CGOS.

En synthèse, quels sont donc les scénarios envisageables pour la Fonction Publique Hospitalière ?

L’interprétation de l’ordonnance donne lieu à l’examen de 3 macro-scénarios, avec des variantes :

Les scénarios 1 et 1 bis paraissent peu probables compte-tenu de la complexité de mise en œuvre. Notamment, comment gérer la mobilité des agents d’un établissement employeur à un autre ? Le schéma individuel rend difficile le suivi et la gestion des résiliations / adhésions aux contrats éligibles à la participation financière de l’employeur.

Le schéma collectif reste le plus probable. La question sera de savoir si l’adhésion des agents revêtira un caractère obligatoire ou facultatif. Dans le premier cas, l’employeur comme l’agent bénéficieraient d’incitations sociales et fiscales, à l’instar de ce qui se pratique dans le secteur privé. Néanmoins, la problématique du financement reste cruciale, dans un contexte de fortes difficultés financières au sein des hôpitaux publics (42% des établissements publics de santé étaient en situation de surendettement à fin 2018, selon le rapport des Inspections Générales des Finances et des Affaires Sociales publié en avril 2020). Une adhésion facultative des agents pourrait alléger l’obligation de l’employeur, évaluée à plus de 400 millions d’euros par an pour la seule Fonction publique hospitalière dans le cas d’un contrat santé collectif à adhésion obligatoire.

Quels sont les mouvements attendus sur le marché ?

Les acteurs, tenants comme outsiders, s’organisent pour adresser ce marché de la PSC des agents hospitaliers. La MGEN et le groupe Relyens (assureur Sham) ont notamment annoncé la mise en place de leur partenariat stratégique en mars dernier, très peu de temps après la parution de l’ordonnance. Plus récemment, la MNH a indiqué être en discussion avec plusieurs acteurs de l’assurance en vue d’un rapprochement.[3] Il est d’ailleurs probable de voir émerger plusieurs alliances entre mutuelles, assureurs et institutions de prévoyance pour adresser un marché qui sera en partie intermédié par le courtage national.

Notre prochain épisode sera consacré à l’analyse des enjeux et scénarios sur le versant territorial.

NewAdvise propose aux acteurs de la protection sociale de décrypter dès à présent les environnements interne et externe pour instruire et identifier les impacts des différents scénarios :Revue stratégique des marchés : spécificités de la protection sociale au sein de la fonction publique – Analyse interne : portefeuille d’adhérents, équilibre financier, … – Instruction des scénarios pour chacun des 3 versants de la fonction publique et analyse d’impacts en matière d’offre, distribution, relation adhérents, gestion, SI, et en matière économique.

Pour nous contacter :

Frédéric Offner, Associé – frederic.offner@newadvise.fr

Karim El Quasri, Directeur – karim.elquasri@newadvise.fr

[1] Les agents exerçant au sein d’un établissement de l’AP-HP relèvent de l’AGOSPAP pour l’action sociale, et non du CGOS. L’AGOSPAP ne prend pas en charge l’indemnisation des agents dans les cas de congés définis dans les régimes statutaires. [2] Budget de 130 M€ en 2020 pour les prestations arrêt de travail du CGOS [3] Source : www.newsassurancepro.com, 8 octobre 2021

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