Enjeux et perspectives de la réforme de la PSC #3 : Fonction publique territoriale

Après nos analyses d’octobre et de novembre relatives aux deux premiers versants (Fonction publique d’Etat et Fonction publique hospitalière), nous vous proposons ci-dessous un décryptage des enjeux pour le versant territorial.

Intéressons-nous tout d’abord à la structure de l’emploi dans la fonction publique territoriale. Ce versant est celui qui s’approche le plus du secteur privé : un très grand nombre d’employeurs (les collectivités territoriales), plus de 40 000, qui emploient au total près de 1,9 million d’agents actifs. En moyenne, on compte environ 50 agents par collectivité, avec une forte dispersion : certaines petites communes emploient moins de 10 agents, alors que d’autres acteurs territoriaux majeurs en comptent plus de 1 000 agents (grandes métropoles, départements, régions).

A l’instar des agents de l’Etat, et à la différence des hospitaliers, les agents territoriaux bénéficient d’un cadre défini pour la protection sociale complémentaire, au travers du décret 2011-1474 du 8 novembre 2011 relatif à la participation des collectivités territoriales et de leurs établissements publics au financement de la protection sociale complémentaire de leurs agents.

Concrètement, comment les agents territoriaux sont-ils couverts aujourd’hui ?

Il existe aujourd’hui deux dispositifs pour la couverture santé et prévoyance des agents territoriaux prévus par le décret du 8 novembre 2011, et au titre desquels l’employeur territorial peut participer au financement de la cotisation à concurrence d’un montant librement défini au sein de chaque collectivité :

La convention de participation : contrat collectif à adhésion facultative des agents (durée de 6 ans), mis en place par la collectivité (ou par le CDG[1], Centre de Gestion Départemental, pour le compte des collectivités qui lui donnent mandat) au terme d’une procédure de mise en concurrence

La labellisation : dispositif individuel à adhésion facultative permettant d’établir qu’un contrat est conforme (solidaire et responsable avec respect des solidarités intergénérationnelles). Ce label est octroyé par un organisme habilité par l’ACPR pour une durée de 3 ans renouvelable.

En santé, la labellisation est le dispositif majoritaire ; en prévoyance, c’est la convention de participation qui est la plus usitée. On estime que 40 à 50% des agents territoriaux sont couverts en santé et / ou prévoyance via ces dispositifs.

Le marché est aujourd’hui adressé en direct par les acteurs affinitaires spécialistes des collectivités territoriales (MNT, Territoria) ou encore via des courtiers affinitaires (Sofaxis, Yvelin-Collecteam) ou généralistes (Gras Savoye, Siaci Saint-Honoré) positionnés sur la Fonction publique.

Source : Baromètre MNT, Communiqué de presse du 14 janvier 2021

La réforme de la protection sociale complémentaire : continuité ou rupture ?

Au-delà du fait que la participation de l’employeur devient obligatoire à hauteur de 50% de la cotisation en santé (au plus tard au 1er janvier 2026) et 20% en prévoyance (au plus tard au 1er janvier 2025), la réforme ouvre le champ à plusieurs schémas assurantiels :

– Les dispositifs de labellisation (individuel à adhésion facultative) et de convention de participation (collectif à adhésion facultative) sont maintenus et pourront ainsi faire partie des schémas cibles possibles

– Les collectivités pourront mettre en place un contrat collectif à adhésion obligatoire si le dialogue social aboutit à un accord majoritaire

Une évolution importante : les CDG auront obligation d’organiser des appels d’offres santé et prévoyance pour le compte des collectivités qui leur donnent mandat pour la mise en place d’une convention de participation, là où il ne s’agit que d’une mission facultative aujourd’hui. Dès lors, nous estimons que le marché de la santé complémentaire se déplacera vers le collectif, alors qu’il est majoritairement individuel (labellisation) aujourd’hui.

Quels scénarios les plus probables ? Et selon quel calendrier ?

Qu’un schéma collectif (à adhésion facultative comme aujourd’hui ou obligatoire en cas d’accord majoritaire des partenaires sociaux) tende à se généraliser, en santé comme en prévoyance, nous semble très probable. Les communes au faible nombre d’agents donneront, pour la très grande majorité, mandat au CDG de leur département pour organiser les procédures de mise en concurrence. Les collectivités de plus grande taille pourraient quant à elle organiser elles-mêmes ces appels d’offres.

En matière de calendrier pour le versant territorial, nous identifions 2 cas de figure :

– La collectivité territoriale a une Convention de participation santé et / ou prévoyance en cours au 1er janvier 2022. Dans ce cas, les dispositions de l’ordonnance s’appliqueront à elle au terme de la Convention

– La collectivité territoriale n’a pas de Convention de participation en vigueur au 1er janvier 2022. Dans ce cas les dispositions de l’ordonnance s’appliqueront à elle dès janvier prochain.

Par conséquent, nous devrions voir arriver dans les prochaines années un volume supplémentaire d’appels d’offres sur le marché (en plus du volume annuel habituellement constaté) pour une échéance au plus tard au 1er janvier 2025 en prévoyance et au 1er janvier 2026 en santé.

Quel jeu d’acteurs sur ce marché ?

Le marché est déjà scruté avec grande attention par les courtiers affinitaires (Sofaxis, Yvelin-Collecteam) et généralistes (Gras Savoye, Siaci Saint-Honoré) qui sont aujourd’hui positionnés à la fois sur l’assurance des risques statutaires et sur la santé et la prévoyance complémentaires. Ces acteurs intermédient la relation client et opèrent généralement la gestion, les compagnies d’assurances, mutuelles et institutions de prévoyance étant simplement porteurs de risques. Nous pensons que ce marché (de plus en plus collectif) sera en grande partie préempté par le courtage, dont la présence est déjà très marquée aujourd’hui.

Les autres acteurs tenants historiques (comme par exemple MNT ou Territoria) s’organisent dès à présent pour défendre leurs parts de marché, ce qui induit une transformation de leur modèle opérationnel (de l’individuel vers le collectif). Ces acteurs pourront bénéficier de la force de frappe de partenaires en matière de conception et de gestion de contrats collectifs (au sein du groupe Vyv pour MNT, au sein d’Aesio pour Territoria).

Notre prochain épisode sera consacré à l’analyse des décrets qui ne devraient désormais plus tarder !

NewAdvise propose aux acteurs de la protection sociale de décrypter dès à présent les environnements interne et externe pour instruire et identifier les impacts des différents scénarios :Revue stratégique des marchés : spécificités de la protection sociale au sein de la fonction publique – Analyse interne : portefeuille d’adhérents, équilibre financier, … – Instruction des scénarios pour chacun des 3 versants de la fonction publique et analyse d’impacts en matière d’offre, distribution, relation adhérents, gestion, SI, et en matière économique.

Pour nous contacter :

Frédéric Offner, Associé – frederic.offner@newadvise.fr

Karim El Quasri, Directeur – karim.elquasri@newadvise.fr

[1] Les Centres de Gestion (CDG) sont des Etablissements publics locaux à caractère administratif, gérés par des employeurs territoriaux, qui ont pour vocation de participer à la gestion des personnels territoriaux et au développement des collectivités. Les CDG sont institués au niveau départemental ou interdépartemental pour l’Ile-de-France. Il existe 96 CDG sur tout le territoire. L’affiliation aux Centres de Gestion est obligatoire pour les communes et leurs établissements publics qui emploient moins de 350 agents titulaires et stagiaires à temps complet (i.e. affiliés à la CNRACL) et facultative pour les autres.

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Frédéric Offner, Associé – frederic.offner@newadvise.fr
Karim El Quasri, Directeur – karim.elquasri@newadvise.fr

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