Les résultats des élections professionnelles, tombés fin de semaine dernière, viennent clôturer une année riche en avancées sur le front de la réforme de la protection sociale complémentaire de la fonction publique
Pour la fonction publique d’Etat, le décret du 22 avril et l’arrêté du 30 mai sont venus préciser le cadre national sur la partie santé, et le schéma retenu au niveau interministériel est donc celui du contrat collectif à adhésion obligatoire pour les agents actifs. Mais quid de la prévoyance ? Sur ce volet, l’accord de méthode signé avec les partenaires sociaux le 4 avril a ouvert les négociations à l’échelle nationale, et prévoit d’aboutir à un accord d’ici la fin du premier trimestre 2023. C’est seulement une fois cet accord conclu que les différents ministères et établissements publics administratifs auront l’ensemble des cartes en main pour émettre leurs consultations. Seul hic : certains ministères (l’Intérieur et l’Agriculture en première ligne) se doivent d’être prêts au 1er janvier 2024 (date d’effet du contrat collectif santé), ce qui suppose de lancer des appels d’offre dans les prochains mois. Ce sera donc du flux tendu. Pour les ministères de la « deuxième vague » (Education Nationale, Armées, Justice, …) dont les conventions de référencement arrivent à échéance fin 2024, le calendrier est plus détendu, avec un an de plus.
Côté territoriale, un décret d’application du 20 avril est venu entériner l’accord majoritaire signé en février au niveau du CSFPT. Pas de schéma collectif à adhésion obligatoire, étant donné la pérennisation, au choix de la collectivité, de la labellisation ou du conventionnement. Le principe de libre administration des collectivités territoriales est sans doute un élément bloquant à l’uniformisation telle que mise en œuvre sur le versant de l’Etat. Qu’à cela ne tienne, des négociations sont en cours entre employeurs territoriaux et organisations syndicales à l’échelle nationale pour définir les garanties socles ou encore les dispositifs de solidarités. Des négociations locales prendront le relai pour éventuellement améliorer la couverture et le niveau de participation des employeurs territoriaux. Fait notable : sept organismes complémentaires et courtiers[1] se sont regroupés sous forme d’une coordination d’experts assurantiels du champ de la FPT pour appuyer employeurs et organisations syndicales dans leurs discussions. Ils ont ainsi rédigé un plaidoyer pour une réforme réussie de la réforme de la PSC en 16 propositions, parmi lesquelles la nécessité de fixer des taux plancher pour éviter le phénomène de « dumping tarifaire » ou encore de fixer un délai de carence de 12 mois en prévoyance pour limiter le risque d’antisélection.
Enfin sur l’hospitalière, pas d’avancées en 2022. L’Hôpital public est actuellement soumis à rude épreuve. Les modalités de mise en œuvre de la réforme seront discutées au cours des deux prochaines années.
[1] INTÉRIALE, la MNFCT (Mutuelle Nationale des Fonctionnaires des Collectivités Territoriales), la MNT (Mutuelle Nationale Territoriale), MUTAME & PLUS, Mut’est, la Mutuelle de la Corse, Territoria mutuelle, l’UNMFT (Union nationale des mutuelles de fonctionnaires territoriaux) et Sofaxis – groupe Relyens
Au regard de ces avancées sur deux des trois versants, les acteurs de la protection sociale doivent désormais s’organiser. Et pour certains, au pas de course !
Pour les mutuelles historiques de la fonction publique, et notamment celles de l’Etat, le compte à rebours est lancé. Il devient salutaire d’opérer une transformation en profondeur de leur métier, de l’individuel vers le collectif, sur l’ensemble de la chaîne de valeur. Sur le champ ministériel de l’Intérieur, il ne reste que très peu de temps – une bonne année – pour être prêt au 1er janvier 2024. Un challenge de taille quand on sait qu’il faut repenser l’organisation, les modèles relationnels ou encore l’outil de gestion des garanties.
Sur la territoriale, la présence du courtage et la multiplication des consultations depuis 2011 (au travers des Centres Départementaux de Gestion ou des collectivités en direct) en fait un versant mature en matière de protection sociale complémentaire. Néanmoins, le caractère obligatoire de la participation de l’employeur et l’évolution des prérogatives des CDG (ils ont désormais l’obligation d’organiser des consultations pour le compte des collectivités qui leur donnent mandat) augure un élargissement du marché de la convention de participation en volume et en valeur, et donc des parts de marché à conquérir, pour les tenants (Sofaxis, MNT, Territoria) comme pour les outsiders.
Au-delà des évolutions informatiques, deux axes de transformation nous paraissent fondamentaux pour réussir la réforme de la PSC :
- Industrialiser le processus de réponse à appel d’offres en vue de pouvoir traiter des dizaines (voire centaines de consultations chaque année). Cette « industrialisation » ne s’improvise pas : sa conception nécessite d’identifier les fonctions à créer ou à renforcer (responsable veille marchés publics, rédacteur offre, souscripteur, …) et de constituer des équipes dimensionnées en conséquence. Mettre en œuvre un partenariat avec des acteurs du courtage peut accélérer le go to market, car le courtier est généralement en charge de ce maillon de la chaîne de valeur.
- Concevoir des modèles relationnels efficients, sur base d’interactions omnicanales à la fois avec l’employeur et les adhérents, qu’ils soient en activité ou retraités. Il convient notamment de structurer une approche où le digital vient décharger les conseillers commerciaux et les chargés de clientèle en matière d’affiliation et de selfcare, afin que ces derniers puissent pleinement se consacrer à la relation avec les employeurs et aux réunions d’information à destination des agents publics et de leur famille. Les modèles relationnels devront être calibrés aux modalités d’adhésion retenues au sein des collectivités territoriales (labellisation, convention de participation à adhésion obligatoire ou à adhésion facultative) et devront également être pensés pour adresser les retraités.
L’année 2023 devrait voir aboutir les négociations nationales sur l’Etat et la territoriale, pour ouvrir le champ aux différents appels à candidatures des ministères et collectivités. Les organismes complémentaires vont quant à eux poursuivre leur transformation sur les différents maillons de la chaîne de valeur pour être au rendez-vous d’un calendrier plus que contraint.